Home » others » Togo-Interview: Ayao Gbandjou regrette l’arrestation des membres du SET

Togo-Interview: Ayao Gbandjou regrette l’arrestation des membres du SET

Dans une interview accordée au confrère « Letabloidtogo », le Secrétaire Général de la Fédération des travailleurs du bois et de la construction du Togo (FTBC), Ayao Gbandjou, a déploré la manière dont le gouvernement traite et intimide les membres du Syndicat des enseignants du Togo (SET). Le syndicaliste estime que c’est une violation des dispositions du code du travail et des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT). Bonne lecture.

Un responsable du SET est arrêté dans le cadre d’un appel à la grève lancé. Retracez-nous l’affaire et faites-nous part de votre réaction en tant que syndicaliste.

C’est depuis samedi que nous avons appris l’arrestation nuitamment  dans la région de Kara, du rapporteur du nouveau syndicat, le SET, Syndicat des enseignants du Togo. De recoupement en recoupement, nous avons entendu aussi le Secrétaire Général. Il  y a également eu des échanges de courriers entre le ministre des Enseignements primaire, secondaire, technique et de l’Artisanat Dodji Kokoroko et son collègue de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et du Développement des territoires Payadowa Boukpessi (…) Nos camarades avaient tout simplement lancé un préavis de grève pour un certain nombre de revendications, ce qui est normal pour une organisation syndicale.  C’est dans ce cadre que nous avons appris l’arrestation et les poursuites contre certains responsables dudit syndicat. C’est quelque chose que nous regrettons (…)

La réponse du ministre de l’Administration territoriale porte à croire qu’on demande à cette organisation syndicale son existence légale (…) Il nous revient que nos amis, dès la constitution de leur syndicat, ont déposé une demande de déclaration au ministère de l’Administration territoriale. C’est une erreur de nos camarades parce que les textes, que ce soit le code du travail ou les Convention 87 de l’OIT (Organisation internationale du travail, Ndlr) et surtout 98 qui prône la liberté syndicale que le Togo a ratifiées d’ailleurs, reprises en partie par le code du travail en son article 13, stipulent qu’un syndicat, dès sa création, dépose ses statuts et règlement intérieur au niveau de la commune dans laquelle il a été créé. C’est un régime de déclaration contre accusé de réception. Il faut dire que nos amis ont frappé à la mauvaise porte.

De l’autre côté, on peut également dire que la réponse donnée par le ministre Payadowa Boukpessi suite à la demande de son collègue Kokoroko est aussi regrettable et viole la procédure prévue et les conventions internationales. Parce qu’il n’appartient pas au ministère de l’Administration territoriale de dire que tel syndicat, à travers un récépissé, est légal ou pas. C’est plutôt aux communes de le faire, selon le code du travail. En résumé, nous pouvons dire tout simplement qu’il y a vice de procédure dans l’ensemble et qu’on ne peut pas, selon la convention 98 de l’OIT qui prône le droit d’organisation et de négociation, empêcher les travailleurs organisés dans un syndicat ou autre forme d’association, de pouvoir négocier ou faire des mouvements de grève et aller jusqu’à arrêter certains nuitamment.

Qu’à cela ne tienne, nous demandons la libération pure et simple du responsable syndical arrêté et l’ouverture d’un dialogue social pour discuter autour d’une table des problèmes des travailleurs, revenir sur leur plateforme revendicative. En tant qu’organisation syndicale, nous lançons un appel à toutes les autres organisations soeurs à rester vigilantes parce que le droit à la liberté d’organisation est en train d’être attaqué. On ne peut, sous quelque prétexte que ce soit, empêcher les organisations syndicales ou bien les travailleurs de mener d’une manière responsable leurs activités en tant qu’organisation de défense des droits syndicaux voire humains.

Le nœud effectivement, c’est ce grief de défaut de récépissé avancé par le ministre de l’Administration. Dans le monde syndical, on crie au scandale. Pourquoi donc ?

Ce qui se passe ces derniers temps dans l’ensemble du paysage de la vie associative, que ce soit syndical, de la société civile, même de la presse, est grave. C’est comme si le Togo est en train de reculer sur un certain nombre de dispositions. Quand vous prenez le courrier réponse du ministre Boukpessi, c’est ahurissant. Parce que nous savons la compétence du ministère de l’Administration territoriale qui dispose d’un certain nombre de techniciens. Au regard de ça, on ne peut pas dire qu’on confond les associations corporatistes, c’est-à-dire des syndicats, à celles de la loi de 1901. Même si les deux sont dans un même régime déclaratif, il y a séparation par rapport aux procédures. C’est comme si le ministre est en train de soumettre aujourd’hui le dossier pour lequel nos camarades ont frappé à la mauvaise porte en le déposant au ministère de l’Administration territoriale, à une décision de récépissé, ce qui est anormal.

Les syndicats ne sont pas tenus d’avoir un récépissé pour pouvoir mener leurs activités. Selon le code du travail ancien ou révisé et adopté tout récemment,  et même les conventions internationales de l’OIT, les syndicats sont simplement appelés à déclarer leur existence à la commune ou à la préfecture dans laquelle leur congrès constitutif a eu lieu. Leur activité n’est jamais soumise à un quelconque récépissé. Là, il faut dire que le gouvernement ou le ministre Boukpessi a entamé ce que nous pouvons appeler la violation de la convention 87 et du code du travail qui peut avoir des conséquences lourdes pour le Togo sur le plan international, parce que lorsque vous ne respectez pas un certain nombre de dispositions au niveau de l’OIT, vous pouvez être interpellé sur des plaintes au niveau du Comité international de la liberté syndicale et d’expression, un comité tripartite qui siège à Genève. Donc si les organisations syndicales du Togo posent ce problème au niveau international, le ministre Bawara devrait être interpellé, et donc l’Etat togolais. C’est une erreur grave. Cependant, ce problème peut être réglé d’une manière technique. On peut supposer que ce sont les techniciens qui ont induit le ministre en erreur ; donc on peut d’une manière habile déplacer le dossier vers les compétences concernées pour que ça soit réglé. Le pire, c’est d’aller arrêter le syndicaliste.

C’est comme si le Togo recule. Ces derniers temps, on arrête par l’intervention du SCRIC les gens en pleine rue… Il va falloir que nous revenions vraiment  sur le terrain des principes démocratiques, de bienséance. Lorsqu’il y a des procédures à suivre, il faut qu’on les suive jusqu’au bout. Nous en tant qu’organisation syndicale, que ce soit sectorielle ou faitière, nous avons la responsabilité de défendre et de protéger les acquis syndicaux, c’est très important. C’est par des luttes que nous avons arraché ces acquis  et nous devons continuer par des luttes à les sauvegarder. Nous réitérons notre demande de libération pure et simple du camarade arrêté et d’ouverture d’un dialogue pour pouvoir parler des problèmes que pose la nouvelle organisation syndicale et interpellons toutes les organisations syndicales du Togo et d’ailleurs du monde entier pour que nous puissions vraiment lutter pour les acquis des droits syndicaux.